jeudi 31 mai 2012

Lao Wai Jiao (5)


Des difficultés à me souvenir précisément des premiers cours. Je n’étais pas encore absorbé par la Chine, pas encore phagocyté par un système dont la tradition consiste pourtant à rejeter l’étranger une fois dissipés la rituelle chaleur de l’accueil et l’éventuel profit tous azimuts, pas seulement financier, qu’il peut générer. Parmi les cent quatre-vingt étudiants, tous dotés d’un prénom anglais ou français, peu avaient autre chose à dire, à chercher et peut-être trouver, que les conventions et platitudes de référence inculquées depuis les premiers mots. Je ne mesurais pas encore le marasme de leur situation culturelle, intellectuelle, et donc personnelle. Je percevais chez certains d’entre eux un très net désir de m’exploiter, de me presser comme un citron mais d’une manière assez saine. Après tout, j’étais payé pour être Français, exotique, et ils ne me faisaient rien miroiter.

La question générationnelle s’imposait peu à peu comme l’un des facteurs déterminants de la compréhension des Chines en présence. L’unité de façade, déjà mise à mal par la révélation progressive d’une rivalité Shanghai - Beijing, Shanghai – Chine, se doublait maintenant de quelques containers de supputations quant à la réalité des rapports supposés fusionnels parents – enfants, quant à la nature des relations entre establishment ultra conservateur et jeunesse apparemment soumise. Ils ne savaient rien ou presque de leur histoire récente, rabâchaient des pans entiers d’hagiographies dynastiques, et avaient saisi depuis leur plus jeune âge qu’il n’était pas dans leur intérêt d’en savoir plus. Les omerta liées à la révolution culturelle, au grand bond en avant et ses dizaines de millions de morts de faim, et plus encore s’agissant de Tian An Men, avaient valeur de loi. Ce qu’ils cherchaient à savoir, pour ainsi dire exclusivement hormis quelques questions de vocabulaire, c’est à quoi ressemblait le monde du dehors, de l’extérieur, et comment lui ressembler, comment le copier.

En quoi croire en dehors du matraquage plus ou moins insidieux de la propagande ? Tant de secousses, de séismes ! Histoire sans parole, film catastrophe muet, millions de figurants peu à peu émergeant du nuage de cendre, hébétés, les jeunes privés de la mémoire du cataclysme sur lequel les institutions qui les font marcher au pas se fondent. Schisme intégré, rituel de haute magie confucéenne pour cette génération de l’enfant unique condamnée à penser en rond, en boucle très terre à terre, sous une pression familiale et sociale qui en Occident conduirait n’importe quelle entreprise à une condamnation pour harcèlement moral.

« Why is it so important to live ? Tu le sais ? … Je peux assister au cours de Master ? J’aimerais bien faire l’ENS mais je suis pas sure… J’échange avec un Chinois qui est déjà là-bas mais je me demande si c’est bien… La politique, c’est mieux, non ? La philosophie, ça sert à rien, pourquoi tu dis le contraire ? Je ne sais pas pourquoi on travaille… Pourquoi tu veux que je travaille ? Si je vais à Sciences Po, je suis foutue, je pourrai rien faire d’autre. Mes parents veulent que je fasse de l’économie, tu peux pas comprendre t’es pas chinois… Pourquoi tu souris ? »

Wendy avait les larmes aux yeux en se demandant pourquoi vivre, souriait malicieusement en rejetant le cours de philo, s’esclaffait sans raison compréhensible, puis retournait au silence dont elle était issue. Semaine prochaine, même heure, même endroit – mon bureau de commissariat, son penchant rare pour l’audace, un différentiel très mesuré en tant que suprême rébellion, son nihilisme adolescent… Suivant !
Sauf que je les emmenais dans mon cartable, elle et ses textes décousus, foutraques, très largement hors sujet mais de l’ordre de la poésie… Et que je lui renvoyais son texte corrigé autant que faire se peut à une adresse qui avait valeur de manifeste: inutilecepetitmonde@gmail.com. 

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mercredi 30 mai 2012

Lao Wai Jiao (4)



Je n’avais pourtant pas rêvé ces soirées se terminant au petit matin, à Canton, sur le toit d’une maison transformé en plantation d’herbe que des chevelus fort accueillant fumaient tranquillement en jouant du reggae jusqu’au bout de la nuit. Ils étaient bien réels, incroyablement réels, et pourtant tout à fait absents du paysage. De même que ce jeune chanteur guitariste du Xinjiang qui jouait du jazz manouche en Perfecto blanc avec une gueule à la Dylan Highway 61 dans un petit club de Shanghai et que la rumeur prétendait être le fils du chef de la police spéciale ouïghoure, l’ethnie turcophone de l’extrême ouest très implantée à Shanghai. Il était en fait le dealer d’une bonne partie de l’assistance. Ou encore cette boîte enterrée au fond d’une station de métro qui ne fut jamais achevée et qui accueillait des DJ du monde entier voués à une clientèle du même vaste monde mélangé se démenant toute la nuit pour résister aux assauts des basses qui attaquaient au plexus. De mes yeux vus, la jeunesse y compris chinoise faisait une pause pour aller se rouler un pétard à même le comptoir. Non pas qu’il faille se droguer pour appartenir à la jeunesse du monde mais quel rapport avec la Chine ? Quelle connexion possible avec les petites choses fragiles posées devant moi, à l’abri des cloisons du labo de langue, qui tournaient la tête ou appliquaient une main pudique sur leurs yeux forcément purs et innocents dès que je leur passais un film et qu’un torse d’homme velu apparaissait, qu’un couple s’embrassait ou qu’un terrible Africain assombrissait l’écran ? Certaines d’entre elles auraient paru attardées dans une classe de collège de la France profonde – elles avaient vingt ans en deuxième année d’université et réussissaient à glisser « Ma mère, cette sainte » et « Nous, les Chinois » dans chaque devoir. Ce qui peut se comprendre si l’on pense à la doctrine en vigueur selon laquelle la femme est plus faible, indéniablement inférieure, et qu’elle coûte un investissement sans fond ni retour tandis que l’homme, lui… Et elle était tout aussi réelle cette jeune Chinoise que les néo hippies rastas de Canton mais tellement plus dominante, massivement dupliquée et entretenue dans ses certitudes par une propagande qui s’insinuait par tous les pores du système.

« Le confucianisme, c’est ce qui nous apporte cette formidable unité depuis deux mille ans mais c’est aussi ce qui nous empêche d’avancer. »

Inutile de rectifier en précisant que Confucius entre et sort de son placard au gré des intérêts supérieurs de la nation décrétés par le pouvoir, ni qu’il n’était guère contemporain de Jésus –Christ, pas plus que de mettre en doute l’unité chinoise, mieux valait se focaliser sur la saillie critique, courageuse, ce constat d’immobilisme intellectuel et culturel qui récolta un silence de plomb au beau milieu d’un cours de master où je faisais étudier des notions tels que conditionnement, éducation, identité – peu ou prou, un programme de Terminale littéraire agrémenté d’un projet interculturel non communiqué. Entre les deuxième, troisième années, et la suite du cursus jusqu’en master, une relative évolution s’opère. Dès lors, il devient de bon ton d’afficher une critique modérée qui n’engage pas au-delà de l’effet immédiat. On pourrait positiver, estimer qu’il s’agit là d’un grand pas, ce serait ignorer l’étonnante souplesse de celui qui est dressé à l’obéissance par un système passé maître dans le thermo-formatage des consciences, ce qui se traduit par une étonnante capacité d’adaptation à l’humeur ambiante, à l’attente du maître, cinquième dans la hiérarchie du respect absolu dû à l’autorité selon… Confucius. Nombre de dirigeants occidentaux en rêvent la nuit, parfois le jour, la Chine l’a fait. 

mardi 29 mai 2012

Lao Wai Jiao (3)




Il y avait un bureau dans le couloir du département de français que je crus quelques temps occupé par des conseillères d’orientation. Deux jeunes femmes non francophones, modérément anglophones, souriantes, y passaient leurs journées à recevoir des étudiants obséquieux et traiter leurs dossiers administratifs. Je ne sais plus quel étudiant m’a éclairé en me brossant le tableau très pointilliste du rôle des monitrices politiques. Et il me fallut encore un peu de temps pour comprendre que le vrai pouvoir était là et pas aux mains de mon ami le doyen. Les bourses au mérite, les stages plus ou moins rémunérés, la surveillance des dortoirs, les laïus prévenant promotion après promotion contre les dérives de la jeunesse surtout quand elle est au contact de l’étranger, tout ce qui constituait le carcan conservateur passait par ces deux jeunes femmes, charmantes. Parfois, en plein cours, une étudiante se levait, son téléphone à la main et venait jusqu’à moi pour me chuchoter qu’elle devait immédiatement se rendre au bureau, qu’elle avait quelque chose de très important à faire – puis elle filait d’un pas pressé, convoquée par l’urgence d’une mystérieuse mission.

Ce n’est qu’après avoir fait passer nombre d’examens semestriels de rattrapage, débouchant immanquablement sur l’obtention de la note minimum quand bien même trois ou quatre tentatives fussent nécessaires, que je compris le principe qui tenait la boutique. Entrer dans une université cotée n’est pas facile, coûte très cher, mais cela revient à acheter sa licence - quel que soit le niveau de l’étudiant. C’est ainsi que les meilleurs comme les plus nuls obtiennent le même diplôme, la différence étant établie par les monitrices politiques en fonction du degré de bonne camaraderie et d’obéissance et de respect et de dévouement au département et donc au Parti et donc à la Chine. Points, certificats, livrets, relations, contacts, missions, récompensaient les plus dociles. L’opacité était quasi totale, les résultats strictement individuels, et si la présence en cours était obligatoire, le travail tenait du labeur consenti et la qualité relevait d’un don unanimement reconnu et décrété pour quelques oiseaux rares plutôt que d’une curiosité intellectuelle ou d’un désir d’expertise. Un parfum de narcose flottait dans les classes et les couloirs du département. 

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mercredi 23 mai 2012

Lao Wai Jiao (2)


Il serait injuste de raconter, de prétendre raconter l’Histoire immédiate de la jeune génération chinoise si lointaine, quoi qu’il en soit des proximités globalisées, sans assumer la culture du regard de la petite histoire sur la grande, soit mes repères de gamin-ado-adulte-papa-quinqua nanti de tous les privilèges de l’Occident quand il se rêvait Juif ou Palestinien, eut préféré l’occupation et donc la Résistance plutôt que ce ventre mou tellement satisfait, adipeux de certitudes universalistes sans autre fondement que le pouvoir économique, industriel, bourgeois sans la moindre Bohème, caricature évanescente d’un Ialta à la chaise vide, dictature d’un sous-ordre moral, celui des pères vainqueurs de la barbarie nazie et par là-même du monde qui leur échapperait bientôt et déjà, malgré les colonies.


Amalgame, raccourcis et tant pis, car cette France était grise, confite, patriarcale, doucereusement fascisante ou stalinienne, sombre en tous les cas de ces encriers sergent major, soit jusqu’à l’abandon de la blouse dès la rentrée de 68 neuf années de vie déjà et pas un soupçon d’horizon en vue, en pleine trente glorieuses, cinq ans avant que les émirs de l’OPEP ne nous infligent un revers autrement plus cinglant et durable – quand bien même le pillage systémique de leurs ressources naturelles - que les fiers uniformes régulant la circulation des chameaux aux carrefours de leurs cultures, effet boomerang on ne peut plus cohérent puisque l’argent abondait chez nous, qu’un boulot de misère succédait à un autre sans interruption, que les copains d’alors se prénommaient Alain, Bernard, Christian, Didier, parfois seulement parfois Zinedine, fils d’harki c’est à dire féal de l’occupant ou partisan du progrès mais pourtant Arabe, musulman, respectueux d’un oecuménisme dont l’ex-envahisseur universel mais catholique ne s’encombrait guère, entièrement voué à sa doxa bien pensante, de la grenouille de bénitier à l’instituteur revenu des Aurès, à moitié cinglé, détruit corps et âme, bien sûr encore ignorant de ce qu’allaient être toutes les fausses guerres vraies boucheries à venir, dichotomisées pour encore vingt ans entre capitalisme ultra-libéral, jungle règne du chacun pour soi et Dieu pour ceux qui ratent le train, et collectivisme liberticide planifiant la misère, autre jungle totalitaire où l’Homme était prié au nom de la révolution et jusqu’à la torture de s’abstenir d’être.

Et nous étions donc face à face eux et moi, jeu-miroir de la carpe et du lapin, un peu comme un lapin sous-marin ou une carpe angora faisant des bonds, prisme mosaïque et réflexif jusqu’au tournis si l’on s’y attardait après quatre-vingt dix minutes de maïeutique maladroite, chacun issu de sa jungle, eux instruits, moi éduqué, sympathie contre empathie, sourires avant les yeux baissés, les regards retournant aux albums de fantasmes constamment réactualisés par nos propagandes respectives, sur fond de carte blanche accordée par un doyen malin et d’un emploi du temps hebdomadaire qui incluait trois heures de cours de marxisme, appellation sans autre rapport avec la doctrine jamais appliquée que ce que le Parti voulait bien lui accorder, c’est à dire rien, juste la piqure de rappel, constante, aveugle, puissante, résolument xénophobe, antidote à l’attraction exercée par l’étranger, le fantôme de la liberté.

Très consciemment déboussolé, je n’en étais pas moins enthousiaste, disponible et généreux, compréhensif, donc ridicule et superflu, sorte de gadget exotique observant l’étrange assemblée, tellement appliquée, tellement absente que de paradoxes en oxymores nous voguions sur une mer de présupposés rédhibitoires qu’il me faudrait deux ans à recenser, une éternité de battements de cils au cours de laquelle les soubresauts ne manquaient pourtant pas, de « En Chine, on dit que le mariage est le tombeau de l’amour. Qu’en pensez-vous ? » en tête-à-tête et toujours après la sonnerie à « Je suis Chinoise avant d’être femme. » quasiment au garde-à-vous en plein cours, défi sciemment lancé à l’occidental dégénéré par son refus, son incapacité à considérer l’évidence de l’intérêt du plus grand nombre, son mépris et son arrogance face à la grandeur des anciens  qui savent et transmettent, pouvoir transcendantal excluant le temps, ses séismes, ses alternances de ruades et de cristallisation, temps linéaire contre temps circulaire dont je restais à la périphérie, invité consenti à l’ouverture mais maintenu dans l’inadaptation la plus triviale où ricanaient mes petits démons intérieurs, mon luxe de lao wai, l’ami étranger, accessoirement wai jiao, lecteur de français à l’université des études étrangères de Shanghai, soit un visa d’expert certifié reconduit d’année en année sans que rien ne vienne à bout de ma conviction de n’être somme toute qu’un passager clandestin.

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mardi 22 mai 2012

Lao Wai Jiao (1)



            C’est arrivé sans vraiment prévenir et, comme toujours, disons souvent, cela a pris une dimension qui échappait de très loin à mes habituels petits calculs, lorgnait au contraire côté destin, manège karmique et tout le tintouin, rendez-vous avec l’autre, initiation à soi-même, enfin quelque chose de résolument aussi catastrophique qu’un deuil libératoire ou un dépucelage frappé au coin de la douleur, qu’un virus salvateur ou une erreur de casting proche du génie, j’en ai bavé donc c’est bien, littérature anti-supermarché, aventure au bout de son possible, cette misérable limite qui avait tout de même pu traverser le globe et atterrir à Shanghai sans trop savoir ce qu’elle allait y faire, encore moins se douter que l’affaire aller durer, durer six ans sur place et ne plus s’arrêter ensuite pour différentes raisons que nous verrons au fil du chemin.

Le chemin passait par pléthore de gens, de gosses matraqués mais heureux par décret, de situations baroques, d’enfers ordinaires pour peu que l’on renonce au confort de son universalisme, que l’on se débarrasse des oripeaux d’une pensée tout en rectitude étant entendu que c’est une mission impossible quand les clichés en vigueur déroule le plan du quotidien au gré d’un aléatoire sinusoïdal proche du chaos - jusqu’au jour où l’on découvre que ce chaos est organisé, canalisé, circonscrit au-delà de ce qu’un prof peut envisager comme rigueur disciplinaire maximale.

Il faut un peu de temps pour admettre que l’absence même de regards à quelque chose d’aussi élémentaire que « Des questions ? »  n’a rien de personnel, simple conditionnement, habitus si l’on veut, traitrise pédagogique inculquée très tôt laissant le prof à l’abri de ses certitudes et l’étudiant au confins d’un désert dont il ne sortira qu’avec le diplôme automatique, automatisme excluant théoriquement la tricherie si, là encore l’habitus d’une perpétuelle fin justifiant les moyens, les repères de convenances occidentales ne faussaient l’autre regard, le sien propre mais pas tant que ça, inévitablement altéré bien que dans une dissimulation de secours puisque bien entendu tout ceci doit rester incompréhensible, il en va de la survie du régime, cet étranger comme tous les autres ne peut pas vous comprendre, ni maintenant ni jamais souvenez-vous des pillages, des guerres de l’opium, en un leitmotiv radical, sans autre concession que le gain, la revanche, l’utilitariste compromis enfin libéré par Deng Xiaoping déclarant « s’enrichir est glorieux » à son monde communiste jusqu’alors pris en charge du premier vagissement et même avant jusqu’à l’incinérateur, carrousel d’un gris de plomb rythmé de slogans désormais aussi obsolètes que servir le peuple et travailler est glorieux, judicieusement maquillés, travestis, transformés, pour ainsi dire anagrammisés selon la rhétorique usuelle du parti tordant le coup à toutes les orthodoxies pourvu que la sienne demeure, celle de l’instant décrété au mépris de toute cohérence occidentale et plus encore de l’entendement du peuple sommé d’opiner, ostensiblement sera un plus apprécié,  de génération en génération d’enfants instruits par leurs grands-parents tous cousins frères sœurs enfants parents toujours grands ou arrières d’un mort de faim,  que les cohortes vrombissantes et rutilantes de l’industrie automobile étrangère désormais massées aux feux rouges ne consoleront jamais tant que l’union nationale ne se fera qu’au détriment de l’autre, l’absolue altérité de l’étranger, tandis que dans le même temps la division est entretenue par le règne sans partage d’un pouvoir obsessionnel le plus performant du monde en avalage de couleuvres et autres menaces ne s’encombrant pas de voile, préférant la brutalité du nervi, l’arrogante criminalité du potentat ou la servilité fataliste du sans grade, sachant que seule le brillant de l’or a le pouvoir de générer pour un temps la déférence, l’obséquiosité pathogène du sbire convaincu de servir sa famille, sacerdoce pseudo confucéen ressuscité des limbes après la mort de Mao, et c’est bien entendu de cette logorrhée décérébrante dont j‘aimerais rendre compte ici

Ce qui serait trop facile, trop évident, trop loin de l’égaré de service bredouillant quelques messages blêmes en direct de Roissy à des répondeurs peinant à considérer un aller France – Chine autrement qu’en tant que croisière de santé, voyage parmi d’autres, alors que j’ignorais encore tout de Charlotte Cong Wendi, Victor Zheng Li, Ysa Fan Yifei, Maxime Shen Xiaodong ou Brigitte Li Jing, mes chères têtes brunes parmi tant d’autres, quatre ou cinq cents étudiants dont les deux tiers oubliés dès la fin du semestre, sans qui cette randonnée au pays de la contrainte en tant que vertu n’aurait été qu’un exotisme pour blanc bec visitant enfin ses cartes postales jaunies, la population de son imaginaire de vieil enfant soucieux. 
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